« Agbéyomé Kodjo a fait son temps ! », Jonas SILIADIN

Quelques mois après la disparition de son président fondateur, le parti politique mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD) veut renaitre de ses cendres en annonçant avoir tourné la page du contentieux électoral de 2020 pour lequel Agbéyomé Kodjo s’est battu jusqu’à son dernier soupir.
Pour Jonas SILIADIN qui assume depuis le 15 juillet l’intérim à la tête du parti en attendant un congrès d’ici le mois d’octobre, « Agbéyomé Kodjo a fait son temps » avant d’ajouter qu’au Togo, « les gens ont le choix entre les shows, les spectacles, les postures, le populisme et la réalité et la politique ».
Parait-il que vous n’avez pas été consultés pour la formation de l’actuel gouvernement. Auriez-vous accepté l’offre si c’était le cas ?
Jonas SILIADIN : Attention, je vous le dis toujours, est-ce que nos statuts nous autorisent à répondre par l’affirmative ? Oui. Mais encore faut-il que le bureau politique s’asseye, discute pour voir s’il est opportun. Ce n’est pas parce que c’est permis que ce soit toujours opportun. Tout ce qui est légal n’est pas forcément opportun et tout ce qui est opportun n’est pas forcément légal. Et donc, nous travaillerons d’abord sur la légalité, ça, il n’y a pas de doute, mais sur l’opportunité.
Et s’il arrive que nous le fassions, est-ce que nous avons violé des principes ? La notion de violation est très complexe. Lorsqu’on déroge de manière convenue, acceptée et stratégique à ses propres règles, mais de manière collégiale, ce n’est pas de la violation, c’est une démarche, c’est une exception. Ce n’est pas de la violation. Mais, c’est lorsque ce n’est pas collégial, ce n’est pas consensuel et ce n’est pas stratégique que, une ou deux personnes le font que c’est de la violation.
Où en est aujourd’hui le MPDD avec le contentieux électoral de 2020 pour lequel Agbéyomé Kodjo a lutté jusqu’à sa mort ?
Vous avez le choix, quand vous faites de la politique. Au Togo, les gens ont le choix entre les shows, les spectacles, les postures, le populisme et la réalité politique. Tant qu’Agbéyomé Kodjo paix à son âme, était vivant, et moi je l’ai déjà dit à plusieurs personnes, il n’en démordra jamais, il n’en aurait jamais démordu. Il aurait défendu ce qu’il croit être sa cause jusqu’au bout. D’ailleurs, c’était sa dernière déclaration ici au Togo, avant qu’il ne parte du Togo. Il a dit « Jusqu’à ma mort, personne ne m’enlèvera la conviction que j’ai gagné les élections de 2020 au Togo », c’est ce qu’il a déclaré et c’est ça qui a déclenché le reste des actions. Donc, jusqu’à sa mort, il est resté fidèle à cela.
Après tout, nous sommes un parti politique et il en a été notre fondateur, certes. Il a été candidat, certes. Mais aujourd’hui, il n’est plus là. Nous devons nous réorganiser pour continuer, malheureusement, sans lui.
Il faut qu’on soit réaliste. Demain, si on appelle, on dit « Bon, maintenant, MPDD, venez, on reconnaît que vous avez gagné », qui on va mettre sur le fauteuil ? Quand on va à l’élection présidentielle, il y a le parti, certes. Mais on prend le nom du candidat et c’est le candidat que les Togolais ont élu. Aujourd’hui, il n’est plus là. Laissons l’histoire s’écrire.
Il y a trois dimensions qui guident nos expériences : le temps, l’histoire et la mémoire. Le temps, c’est le matériau dont nous disposons nous-mêmes. C’est avec ça que nous faisons ce que nous faisons. Mais, une fois que nous avons travaillé, tout n’est récupéré par l’histoire qui façonne, qui réinvente, qui marque notre travail dans le temps. Et après l’histoire, il y a la mémoire, c’est ce que les générations futures vont garder de tout ce travail-là, du temps et de l’histoire.
Mais le problème, c’est que nous, les hommes, nous nous trompons en voulant, en même temps, à travailler avec le temps, à travailler l’histoire et à travailler la mémoire.
Agbéyomé Kodjo a fait son temps, l’histoire en rendra compte, la mémoire en témoignera. Point. Nous qui sommes vivants, ce n’est pas à nous de nous préoccuper de son temps. Mais, nous sommes là pour continuer la marche avec notre temps, et peut-être que notre histoire ou nos mémoires vont se rejoindre. Il ne faut pas qu’on s’improvise en politique, pour prétendre faire ceci ou cela en même temps. Nous travaillons sérieusement pour garantir l’alternance dans ce pays et l’ancrage démocratique.
Pour certaines opinions, Jonas SILIADIN veut vendre le parti de son camarade de lutte au parti Unir. Votre réaction ?
Je prends en témoin la mémoire de mes deux parents qui sont décédés et la mémoire du président Kodjo. Nous n’avons pas été consultés pour entrer au gouvernement. Et tout ça, c’est des rumeurs.
Vous savez, moi Jonas, je suis un ancien du RPT et je le revendique. Ils ont dit que j’étais un liseur d’émotions, oui, et je l’ai écrit même dans un livre. Pour être un liseur d’émotions, il faut savoir lire. Je lisais très bien, je les écrivais moi-même. Vous pouvez encore consulter les images, j’assume mon passé.
J’ai des compagnons à Unir, si je veux rentrer au gouvernement Unir ou si je veux faire quelque chose avec Unir, je n’ai pas besoin d’attendre 14-20 ans depuis que j’ai quitté mes fonctions en 2002. Ça fait 22 ans, vous pensez que je vais attendre, si je veux être ministre, si je veux être directeur ou quoi que ce soit, je vais attendre 2024 pour venir prendre un parti pour maintenant aller à Unir. Vous pensez ça ?
Qu’est-ce qui m’empêche ? Et si je me bats ici avec le MPDD, avec mes camarades de combat pour la mémoire de notre président, c’est parce que nous avons un idéal partagé. Que les gens ne vous racontent pas des choses. C’est des ignorants, tout ce monde-là, ils ne savent pas comment les choses se passent. Donc arrêtons de divertir les gens. Nous sommes là pour faire en sorte que le parti ne disparaisse pas.
Nous ne tolérerons pas que les gens nous enferment dans un carcan en disant vous ne devez pas travailler avec ceux-là, vous devez travailler avec ceux-là, vous devez faire ceci. Ça c’est du spectacle. Nous sommes des politiques résolus et vous verrez, vous serez témoins.
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Publié le mardi 27 août 2024, par Gabinho